| Une
matière chocolatée... Dure
et épicée. Savoureuse et poivrée. Noire et musclée. Troublante et passionnée. Tendre et frappée. Fragile et cendrée. Délicate et pimentée. Amère et parfumée. Fondante et musquée. Inoubliable et sucrée. Magique et marbrée. Mystérieuse et troublée. Crémeuse et satinée. Confite et glacée. Des parfums cacaotés... Girofles et citronnés. Beurre et salé. Noisettes et café. Basilique et mentholés. Banane et sucré. Sauge et Grand-Marnier. Gingembre et laitier. Rhum et orangés. Châtaigne et thé. Cumin et vanillés. Cannelle et caramélisés. Amandes et meringués. Whisky et pralinés. Chantilly et... Le chocolat est l'essence même du luxe nacré du palais. Et pour l’esprit en bouche que voilà, voici quelques noms délicats de somptueux mets aux parfums plus charmeurs, plus enchanteurs, plus évocateurs les uns que les autres... Des truffes, des macarons, des soupes, des tuiles, des bavarois, des poires, des crèmes, des quatre-quarts, des sabayons, des crêpes, des mousses, des îles flottantes, des soufflés, des charlottes, des moelleux, des tartes,
des biscuits, des oranges, des pâtes, des flans, des fondants, des cakes, des bananes, des beignets, des sauces, des marbrés, des pains, des épices, des éclairs, des bûches, des forêts noires, des charlottes, des opéras, des madeleines, des fondues, des mokas, des succès, des glaces, des sablés, des mendiants, des caramels, des génoises, des gaufres, des massepains, des veloutés, des savarins, des mille-feuilles, des nappages, des bugnes, des choux, des marquises, des cerises, des profiteroles, des sorbets, des gâteaux, des oeufs, des cocottes, des lapins, des poissons... Le tout... au chocolat, bien sûr ! Délictueux moments charnels de plaisir solitaire, la dégustation du chocolat est toute entière, dévouée au seul individu qui l’entreprend. Le produit est unique. Il exploite la personne, la rend esclave de la gourmandise et la tient sous son joug tout au long de sa vie et pour son plus grand délice. Mais personne ne s’en plaint, car le chocolat est le chocolat. Avec cette puissance et s’il le souhaitait, le chocolat pourrait facilement gouverner, tout simplement devenir l’empereur des hommes. Le chocolat est purement et simplement la personnalisation vivante de l’égoïsme de l’homme dans toute sa splendeur, le narcissisme si souvent narré par les auteurs anciens, l’individualisme parfait. Unique sensation brute de croquant, il devient la justification du bien-être, la solution du mal-être et aucune justification à devoir donner en cas de consommation trop élevée. Peu importe. Le plus délicat reste les grands moments de sa dégustation. Le coup de cœur sur le dernier carré de la tablette fine, craquante et ténébreuse, cachée au fond du tiroir d’un placard... La crainte de l’absence, le manque du produit, la drogue attitrée. Car si l’addiction est terrible, elle reste acceptable, autorisée, souhaitée même pour le chocolat. Et seul le chocolat le permet ! Aucune autre substance ne le peut et n’en revendique d’ailleurs le droit. Le chocolat, si ! Au-dessus de tout, le chocolat ? Cela se pourrait. Sensuel, sauvage, sexuel ! L’excitation que provoque le chocolat sur les papilles gustatives annihile les pulsions les plus intenses. Il prend alors leur place. Car les deux plaisirs ne peuvent être juxtaposés. Une faute, un délit, un crime. Oui, le chocolat est réellement un moment d’allégresse solitaire. Mais ceci ne reflète que le goût de la matière noire. En plus d’être l’une des préparations les plus savoureuses, l’aspect que les pâtissiers lui donnent en l’incluant aux préparations déjà citées est tout un spectacle. Un grand spectacle ! Si la matière brute est belle à souhait, les mets que l’on concocte avec sont dignes de figurer parmi les plus grandes créations de tous les temps. Imaginez un instant ; le fondant du chocolat chaud ravinant sur la poire au sirop et sa crème glacée vanillée. La ganache qui se terre dans un éclair en pâte à choux brune et délicate. Le mollet d’un chocolat amer qui s’échappe d’une petite dariole tiède. L’esprit festif et joyeux de Noël avec une bûche à la crème au beurre. Le joli glacé d’une tarte au chocolat qui fait pâlir tous ses admirateurs d’envie et leur inspire respect. La rondeur généreuse des truffes parfumées et cacaotées à souhait. Les mystérieuses barquettes en pâte brisée fourrées à la crème de marrons, abritée sous une fine couverture en chocolat. La magie délicate des fins bâtonnets d’oranges confites. Et le mousseux d’un chocolat chaud dans une tasse élégante et raffinée comme le breuvage lui-même. Sans oublier la course finale opposant un superbe soufflé glacé à la tenue irréprochable et une mousse au chocolat ferme, onctueuse et corsée. Cruel dilemme des papilles, des yeux, de l’odorat. Un choix presque impossible. La seule sérieuse en matière de desserts, de dégustation, de seule vérité. Le chocolat, une sérieuse affaire ! FIN | |